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Question Française
19 août 2020

L'État cible

Et maintenant, Reims ! Dans la continuité des nombreuses incivilités – comme politiques et observateurs se plaisent à les définir – qui ont défrayé la chronique ces dernières semaines, on y a incendié des véhicules dans des guet-apens visant tout autant pompiers et forces de l’ordre, et cela à quelques dizaines de mètres seulement d’une caserne d’une Compagnie Républicaine de Sécurité.

Alors on semble, déjà, trouver des explications à ces actes, comme si l’on y cherchait une excuse. Il s’agirait de représailles à l’interpellation d’un dealer. D’autres, sans doute, se plairont à cibler le taux de chômage de ce quartier rémois et l’abandon de sa population par les pouvoirs publics. Ce quartier abandonné au point que durant ses vingt dernières années, on y a construit une médiathèque dont la tarification sociale offre une accessibilité à tous ; qu’il bénéficie d’une ligne de tramway conduisant dans le centre-ville en quelques minutes ; que plusieurs terrains de sport y sont en libre accès ; que la rénovation de l’urbanisme y a introduit plusieurs centres commerciaux et a permis une réhabilitation de l’habitat ; qu’une poste, une annexe de la mairie et un commissariat de proximité se trouvent en son centre ; et que trois collèges, deux lycées et une université y sont implantés et offrent tout l’éventail, ou presque, des formations offertes par l’Éducation Nationale, des filières techniques aux classes européennes. Le dogmatisme cherchant à expliquer la violence rampante qui habite ces quartiers par la fracture sociale se heurte à une réalité : la rupture, davantage culturelle que sociale, entre une partie de la population de ces quartiers et l’État. On n’y dégrade pas le mobilier urbain et la propriété de ses propres voisins, on n’y attaque pas les forces de l’ordre et de secours parce qu’on y vit mal mais parce qu’on veut y vivre en dehors de l’ordre républicain. Alors les seules exclamations d’un candidat à la présidentielle ou d’un ministre de l’Intérieur en représentation, ne peuvent suffire à endiguer le risque d’une généralisation de la violence. Et plus généralement d’un délitement de l’État.

L’essence même de l’État réside, en effet, dans le contrat moral par lequel sa population lui concède de sa liberté en échange d’une sécurité, sociale et physique. Chacune des parcelles que la République laisse aux auteurs de ces actes - dont les premières victimes sont bien souvent leurs propres voisins -, chacune des fois où l’État se laisse défier, conduit inévitablement, à accentuer la fracture qui le sépare de sa population. Les abandonnés de la République ne sont pas ceux qui s’illustrent par ces exactions diverses, que ce soit à Reims, sur les plages des parcs de loisir en Essonne, et un peu partout en France, mais la très large majorité de la population qui en est l’impuissant témoin, et sur qui, bien souvent, repose l’essentiel du système social redistributif français à qui l’on demande sans cesse l’effort supplémentaire pour assurer la stabilité sociale de l’État. Cette population qui, désabusée, observe l’annonce de renforts de force de l’ordre pour verbaliser l’absence du port du masque sur les plages marseillaises quand, sur la place des Terreaux de Lyon ou sur les Champs-Élysées, de pseudo supporters défient violemment les forces de l’ordre, impunément. Tout aussi grave qu’elle puisse être, la crise sanitaire ne peut être l’occasion pour l’État de se dérober à son obligation d’assurer la sécurité et la sérénité publique. Il en va de l’avenir de l’État républicain lui-même.

La parole politique doit se traduire par une politique assurant la sécurité de tous, non pas par la mise en place de dispositifs de caméra de surveillance mais par la présence physique et dissuasive de forces de l’ordre plus nombreuses et le développement d’une politique de la sanction adaptée visant à responsabiliser les parents, à éloigner les mineurs délinquants de leur environnement, à user davantage de la sanction pécuniaire. L’État doit être partout, et pour tous.

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